12.03.2008

Les visages de l’abstention

60,48% d’abstention sur l’ensemble de la ville de Roubaix au premier tour des élections municipales : c’est presque le double de la moyenne nationale. Plafonné à 36,8% lors du premier tour en 2001, le sillon de l’indifférence électorale continue de se creuser dans la cité nordiste.

Un collectif pour booster la participation aux élections municipales ? Les Roubaisiens ont bien aperçu les affiches qui jalonnent l’itinéraire du tram dans le centre-ville, mais rares sont ceux qui ont eu vent de l’initiative citoyenne entreprise par "Je pense, donc je vote" à l’occasion du scrutin des 9 et 16 mars. "J’ai reçu un SMS et même un message vocal pour m’inciter à aller voter, s’étonne ainsi Alice, serveuse au fast-food KFC de la ville. J’ignore totalement de qui cela peut provenir…".
Dès l’issue du premier tour des municipales de 2001, le malaise se fait sentir dans l’ancienne capitale du textile. 36,8% d’abstention, le constat déclenche un véritable soubresaut : une poignée d’étudiants sensibilisés se fédère en quelques semaines au sein du collectif "Je pense, donc je vote". Transmission des débats entre les candidats, boîtes de dialogue ouvertes aux internautes, le collectif s’empresse de mettre sur pied le « blog2roubaix » pour faciliter la communication entre les Roubaisiens et leurs élus.
A l’approche des municipales, le groupe a intensifié son action, du développement de chats interactifs entre les habitants et les candidats au lancement d’une chaîne dédiée au vote sur la Freebox.

"Peur de leur ombre"

Malgré ces efforts, les abstentionnistes roubaisiens semblent plus étrangers que jamais à l’enjeu électoral. Etrangers. Comme ces femmes portugaises, qui ignorent que ce scrutin est ouvert aux ressortissants de la communauté européenne. Sont-elles seulement inscrites sur les listes électorales ? Aucune d’entre elles ne saurait le dire. Etrangers les uns pour les autres, dans leur propre pâté de maisons, comme le résume cette Roubaisienne de naissance : "On est dans un quartier pauvre. Ici, les gens ont peur de leur image. Ils ont déjà peur de leur ombre !"
Rendez-vous dans le quartier Jean Moulin, à une dizaine de minutes de marche de la Grand' Place. Ils sont là, les abstentionnistes qu’analystes politiques et médias s’évertuaient à dénombrer à la veille du premier tour. Pressés, souriants, oisifs, méfiants. Père de famille, étudiante, employé municipal, certains ont accepté de se livrer à l’objectif.



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Abdelkader, 22 ans, à la recherche de travail dans la mécanique

"En ce moment, je suis des cours de mise à niveau : je n’ai pas eu le temps de faire les démarches pour m’inscrire sur les listes. En fait, je n’ai jamais voté. Je n’en ai jamais vu l’utilité. Je croise régulièrement le maire ici, pendant que je trafique des voitures. Il s’en fout !"



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Céline, 28 ans, responsable d’une boutique de chaussures

"Je ne voterai pas ce week-end, tout simplement parce je ne m’intéresse pas à la politique. Je serai à Paris, pour faire la fête ! Pendant que les gens voteront… il y a des chances que je sois encore en train de dormir !"



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Laetitia et Michel, 27 et 25 ans, femme au foyer et agent de sécurité

"C’est très rare qu’on vote. Ce n’est pas en allant voter que les choses vont changer. Regardez ce qui se passe depuis que Sarkozy est passé : il est trop occupé par sa femme, il a pas le temps de remplir ses promesses."



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Fabrice, 35 ans, mécanicien automobile

"Les municipales ? ça ne m’intéresse pas du tout. Je vote uniquement pour les présidentielles. Ce dimanche, je serai en famille, comme un dimanche ordinaire."



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Feçal, 25 ans, garagiste

"Le maire d’ici, je l’ai jamais vu ! Vous trouvez ça normal ? Alors, non : je ne vote pas. A part pour les présidentielles. C’est toujours la même chose. Des promesses, des promesses… Mais ils ne les tiennent pas !"



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Lucie, 18 ans, élève en 1ère ES

"J’ai eu de graves problèmes familiaux ces derniers mois. J’ai dû déménager plusieurs fois. Il aurait fallu que m’inscrive ici, à Roubaix, mais je n’avais pas la tête à ça. C’est la première année où j’aurais pu voter, mais c’est trop tard ! Pendant le vote ? Je serais en train de fêter l’anniversaire de mon grand-père, à Halluin."



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René, 58 ans, maçon

"Moi, je ne vote pas parce que la politique ne m’intéresse plus. J’ai trop été déçu. Alors je m’investis dans d’autres choses : je suis dirigeant arbitre d’une équipe de foot, par exemple."

Commentaires

Salut , suite à ton article sur l'abstention , je pense que tu as fait une erreur .
Il n'y a pas de serveuse nomée Alice au kfc de roubaix .

Écrit par : p.o | 26.03.2008

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