03.03.2008

Camembert du cœur et de l'esprit

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"C'est la grande tristesse des Normands". Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Francis Rouchard, secrétaire général du Comité de défense du véritable camembert de Normandie : "Il n'y a plus qu'une seule ferme de production traditionnelle dans la région", déplore le militant, qui entend affirmer "le droit des consommateurs à se fournir en produits de qualité".

Moi aussi, ça me déprime un peu, de penser que demain, on aura le choix entre un produit qui n'a pas de goût et un produit qui n'a pas de goût dans les hypermarchés. Je trouve même ça triste, de nourrir notre chair d'aliments tristes, résultant d'une logique économique implacable : quand on produit 90% du camembert, qu'on a en mémoire les risques sanitaires liés à la listéria (germe pathogène qui a touché la production de Lepetit en 1999) ou au germe Escherichia coli (qui a touché le producteur Réaux en 2005) - de simples gastro-entérites, au demeurant, on préfère privilégier le célèbre "risque 0" : "La sécurité est à son maximum", plaide ainsi Claude Granjon, directeur adjoint de la coopérative d'Isigny-Sainte-Mère. "Les risques deviennent extrêmement limités. On les estime à 2 % au maximum. Mais c'est encore trop ".

"Le problème, analyse Francis Rouchard, c'est que le consommateur ignore que par sa fabrication traditionnelle, le fromage passe par un stade de fermentation, c'est-à-dire que - contrairement à son état dans le pis de la vache, le lait ne reste pas stérile." C'est la vie, quoi. Enfin. C'est le fromage, autrement dit.

Face à la volonté des industriels Isigny Sainte-Mère et Lactalis de pasteuriser le lait ou de le traiter, avant de le ré-enrichir de flore native (sans quoi il ne pourrait pas se transformer en fromage!), Francis Rouchard explique le risque de perte de goût : "Les souches de bactéries ne peuvent pas être représentatives de l'ensemble du troupeau, cela donne donc un produit standardisé!".

Mais Francis Rouchard a un espoir : l'exemple du Sallers, du Saint-Nectaire ou encore du Reblochon. "Ces fromages sont issus de vraies productions fermières, ils bénéficient donc d'appellations d'origine contrôlée(AOC) dites fermières", explique-t-il, insistant sur l'urgence de clarifier le vocabulaire des AOC pour le consommateur. LA solution? "Recréer le tissu de production fermière normande". Après quoi il sera possible de mettre en valeur ces produits de qualité de manière "lisible" au sein de la grande distribution. Pourquoi pas sous la forme du concept du "shop in the shop", s'interroge Francis Rouchard...

Qui a dit que les défenseurs du camembert au lait cru étaient réactionnaires? Ils parlent anglais, consultent les données du mouvement états-unien Raw Milk sur Internet. Ils souhaitent juste le bonheur de notre chair... Qui passe par la bonne chère. Pourquoi ne pas relire Rabelais avant de faire nos courses? Je vous le demande...

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